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La lumière déchirée - roman Science-fiction, anticipation, space-opéra

Chapitre premier - Extrait 

An 3904 Temps Universel, système stellaire de Zerdïa.

.../...

Paul repoussa vivement son fauteuil et se leva d'un bond :

— Rendez-vous dans vingt minutes au sas d'embarquement, préparez deux navettes et une escouade fortement armée; on ne sait jamais...

— Attendez Commandant ! Un de nos croiseurs a repéré des débris au large du satellite de Zerdïa; probablement plusieurs vaisseaux. Ils sont encore relativement groupés, la bataille doit être récente. Devons-nous aller les inspecter ?

— Inutile l’Elshal nous en dira plus; probablement l'œuvre de pirates...

 

Ann rattrapa son frère dans la coursive :

— Paul, tu devrais emmener Milov avec toi...

— Qui donc ?

— Milov ! Tu sais bien l'émissaire du Conseil de l'Union qui a embarqué avec nous à la dernière escale...

— Quoi !? Ce fou qui n'a cessé de me rebattre les oreilles avec ses envahisseurs extragalactiques. Que viendrait-il faire avec nous ?  Remarque tu as raison, avec un peu de chance, il débarquera sur Zerdïa ou alors il ira prêcher la bonne parole du Conseil à bord de l’Elshal !

— Tu es ridicule Paul. Le point de vue du Conseil mérite d'être écouté, ils sont en possession d'informations que nous n'avons pas. Tu l'as dit toi-même la réaction de l’Elshal n'est pas normale.

— Je n'ai que faire des informations des parasites du Conseil. Mais je n'ai pas envie de me disputer avec toi petite sœur. Dis-lui de venir si ça lui chante.

.../...

 


Extrait Chapitre 2 : 

Lorsque Milov se présenta, il semblait calme, serein; comme un homme qui a volontairement ravalé sa rancœur pour s'en tenir à des arguments rigoureux, sans laisser ses sentiments le dépasser. 

— Je vous remercie de m'avoir convoqué, je souhaitais de toute façon vous rencontrer.

— Tant mieux pour vous, mais ce que j'ai à vous dire risque fort de ne pas vous satisfaire. Comment vous appelez-vous ?

— Je vous demande pardon, Commandant ?

— Vous m'avez bien compris. Quel est votre nom ?

— Milov Ezérian...

— Faux !  Ezérian n'existe plus. C'était juste le nom d'un planétaire, lié à l'existence d'une famille. Or cette famille n'existe plus. Combien de dizaines d'années ont bien pu s'écouler sur votre vieille Terre durant ces quelques mois d'absence et de voyages hyperluminiques? Sur Hexter, lorsque vous avez demandé à embarquer avec nous, vous aviez déjà trop voyagé pour pouvoir espérer revoir les vôtres avec un âge décent.

— Je n’ai de toute façon pas grand monde à revoir.  

— Taisez-vous ! En mettant le pied à bord de l'Estel, vous avez définitivement perdu votre nom. Ezérian n'est plus qu'un souvenir anachronique; vous n'êtes plus que Milov de l'Estel. La seule famille à laquelle vous pouvez prétendre appartenir est constituée par tous ceux et celles qui vivent sur ces vaisseaux, qui en voyageant de façon coordonnée restent unis dans le même cycle temporel. Une Famille de spatiaux reste unie par la nécessité même de sa survie; elle parle donc d'une seule voie, la mienne !  En prenant la parole devant l'Elshal sans mon accord, vous avez trahi cette règle et avez sali notre nom ...

Chapitre VIII - Extrait 

An 3904 Temps Universel, Planète Janus IV.

 

En sortant du Sénat, Jeffrez Bïal aimait se promener dans le parc du Centenaire avant de regagner son domicile. La capitale de Janus, qui était en réalité la seule ville d’importance et portait de fait le même nom que sa planète, était située sur l’équateur et bénéficiait d’un climat idéal. Jeffrez Bïal appréciait tout particulièrement ces débuts d’été où les allées sinueuses du parc se perdaient entre les massifs de fleurs. Il aimait marcher doucement pour rompre radicalement avec les rythmes infernaux de la fourmilière inhumaine qu’était devenu le Sénat et ne manquait jamais de s’arrêter quelques minutes pour admirer la roseraie. Les fleurs natives de sa planète étaient certes belles, mais aucune ne pouvaient rivaliser olfactivement avec la délicatesse de ces splendides roses importées directement de la vieille Terre bien des années auparavant. 

 

Penché au dessus d’une clôture ouvragée, il avait le nez plongé dans une rose orangée dont il guettait la floraison depuis plusieurs jours, lorsqu’il ressentit une douleur fugace dans l’épaule. Il envoya la main, furieux contre l’insecte qui avait dû s’introduire sous sa veste, mais n’acheva pas son geste. 

— cible atteinte, murmura le tireur embusqué dans un bosquet, tout en rangeant soigneusement son arme dans une mallette. 

Quelques instants plus tard, le corps inanimé était remonté à bord d’une navette légère qui avait plongé droit sur le parc dès la réception du signal. 

 

Lorsqu’il reprit connaissance, le premier réflexe de Jeffrez Bïal fut d’essayer d’achever son geste et de se gratter l’omoplate. Mais il comprit bien vite que ses mains étaient entravées et dut cligner plusieurs fois des yeux pour éclaircir sa vision et avoir une petite idée de ce qui lui était arrivé. Entièrement peinte en blanc, la pièce lui fit penser à une chambre d’hôpital, à la grande différence qu’il n’était pas allongé sur un lit mais assis dans un fauteuil. Les bras, les jambes et la tête étroitement sanglés ne lui permettaient de faire aucun mouvement. Un homme vêtu d’un treillis noir barré de deux diagonales blanches, manifestement un soldat, se tenait debout face à lui.

— Que m’est-il arrivé ? Où suis-je ? articula péniblement Jeffrez Bïal. 

Le soldat baissa son regard vers lui et sans prendre la peine de lui répondre, il fit demi-tour et sortit de la pièce. Quelques minutes plus tard, deux autres hommes également vêtus de noir, mais dans des uniformes firent leur entrée. Bïal supposa qu’ils étaient officiers. Le plus jeune des deux prit la parole :

— Vous voici enfin réveillé…

— Qui êtes-vous ?

— Je suis l’Estel, commandant de cette flotte et voici le Capitaine Prial, mon officier en charge de la sécurité.

— Depuis quand les spatiaux débarquent-ils sur des planètes pour y enlever un élu du peuple ?

— Et depuis quand les Janusiens élisent-ils sénateurs, des Frères du Temple ?

Paul avait parfaitement conscience de bluffer, mais l’espace d’un instant il vit de la surprise, puis de la peur sur le visage et dans les yeux de l’homme qui lui faisait face. « De la peur, mais pas de l’indignation ! », se redit-il à lui même…

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Chapitre XII - Extrait

An 3904 Temps Universel

Sytème de Dénéria Lune 1, dite la Grosse Mine.

 

Cela faisait trois longs jours qu’ils logeaient dans un baraquement de chantier situé à proximité des sites d’exploitation de la compagnie minière. Une salle commune, une cuisine, une salle d’eau et une dizaine de chambres plus petites encore que les cabines des vaisseaux spatiaux. Dans cette ville enterrée sous plusieurs centaines de mètres de roches d’une lune stérile, il n’existait ni jour, ni nuit, mais le temps était artificiellement découpé selon le décompte standard. Les spatiaux, généralement enfermés dans leurs vaisseaux, avaient l’habitude de ce genre de situation. Angéla Savario leur avait demandé de ne pas s’éloigner et de fait ils passaient leur temps, soit à l’extérieur de la baraque à regarder passer les engins de chantier, soit à l’intérieur à sommeiller, à jouer aux cartes où à regarder les émissions de la tridi locale, sur un vieux récepteur holographique aux images tremblotantes.

 

Alors qu’ils étaient tous les deux sur le pas de la porte, regardant deux glisseurs lourds transporter une énorme pièce mécanique, qu’ils supposèrent être la tête d’une excavatrice, Paul entama la discussion avec le capitaine Prial :

— Je repense, dit-il, à ce que vous a dit cette fille lorsqu’elle est venu nous sortir de l’entrepôt. Vous semblez être connu pour vos exploits sur Ho’Sin, bien au delà des vaisseaux de notre flotte. Il faudra qu’un jour vous preniez le temps de m’expliquer ce qui s’est réellement passé là-bas.
Paul sentit bien que Prial était tendu lorsqu’il lui répondit :

— Il n’y a rien à en dire de plus que ce que vous avez dû en entendre ou que ce que vous avez sûrement lu à ce sujet. J’avais le même poste qu’aujourd’hui sous le commandement de votre père et j’ai mené l’assaut conformément à ses ordres.

— Ça c’est le résumé qu’en apprennent les gamins dans nos salles de classe. Mais j’aimerais comprendre ce qui a pu autant marquer les esprits. Je sais bien qu’Ho’Sin était considérée, nous savons depuis peu que c’était à tort, comme étant l’ultime bataille contre cette secte. Le combat a donc été si terrible que cela ? Je n’ai jamais compris pourquoi mon père avait ordonné cet assaut, alors que la flotte aurait simplement pu détruire la station à distance. Même les versions officielles divergent parfois. 

Le vieux Capitaine conserva longtemps le regard fixé sur le sol, cherchant ses mots, lorsqu’ils virent Angéla Savario, arriver vers eux.

— Nous reprendrons cette conversation plus tard, fit Paul.

 

La jeune femme entra à l’invitation de l’Estel :

— J’ai de bonnes nouvelles pour vous, lança t-elle.

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Chapitre XVII - Extrait

An 3904 Temps Universel, Central Union - planète Terre.

 

Milov, accompagné seulement de Paul d’Estel, franchit la porte que Daze Berhan n’avait ouverte qu’après de longues minutes d’hésitation. L’appartement était sombre, la grande baie qui donnait sur la rue avait été presque entièrement opacifiée, laissant pénétrer avarement la lueur du jour. 

 

Assis dans un fauteuil médicalisé qui devait également faire office de lit, le vieil homme les regarda entrer. Seuls ses yeux noirs, enfoncés dans les orbites, semblaient vivants au milieu d’un visage émacié et osseux. Plusieurs câbles et cathéters branchés sur le bloc d’assistance médicale qui clignotait lentement derrière lui, disparaissaient sous sa chemise. 

— Milov, Milov Ezérian, oui je me souviens de vous. Vous n’avez pas changé, comme si vous étiez parti hier; ça fait combien de temps, j’ai du mal à me souvenir des chiffres ? 

— Pour vous Professeur, trente-sept ans me semble-t-il.

— Alors moi par contre, j’ai du un peu changer !

Le rire un peu rauque du vieil homme se mua en quinte de toux. Quelques diodes supplémentaires s’allumèrent brièvement sur les écrans du bloc d’assistance. Il se tourna vers l’Estel, son regard se fit inquiet et sa voix plus dure :

— Pourquoi êtes-vous venu Ezérian ? Et qui est-ce ?

— Je suis Paul d’Estel, commandant de la flotte d’Estel. Monsieur Ezérian a embarqué sur mon vaisseau amiral en tant qu’émissaire du Conseil, lors de notre escale sur le système d’Hexter…

 

Le Professeur Berhan mit du temps à briser le silence qui s’était installé. 

— Je vois. Et que voulez-vous de moi ? 

— Des réponses, reprit Milov, des réponses sur la mission que vous nous aviez confiée. 

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Epigraphe précédant le chapitre V 

 

15 mars 3025 - Université des sciences humaines d’Oslo

Entretien avec le Professeur Wajid Bahar,

sociologue, spécialiste des comportements

et traumatismes liés aux décalages temporels. 

 

— Professeur, votre dernier ouvrage commence par un constat : Nos sociétés connaissent depuis l’avènement du voyage spatial hyperluminique, des bouleversements sans précédent. Mais là où beaucoup voient un immense progrès de l’humanité, vous semblez craindre au contraire un recul…

— Oui et c’est bien là tout le paradoxe. Jamais les humains n’ont voyagé aussi rapidement, mais jamais autant de groupes ne se sont sentis isolés les uns des autres. A commencer par ces micro-sociétés qui se sont regroupées, ou devrais-je dire, agglomérées, autour d’une flotte spatiale. Ce qui était à l’origine une simple entreprise privée, voire dans certains cas une force armée planétaire, s’est transformée par le besoin inhérent à notre statut d’espèce sociale, je dirais même grégaire, en quelque chose de bien différent. 

— Vous faites allusion au terme de « Famille » qu’utilisent certains de ces regroupements de navigants et de vaisseaux ?

— Oui absolument. Et l’usage de ce terme est extrêmement révélateur du trouble qu’engendre leur solitude, elle-même née de leur isolement temporel. On a trop longtemps considéré que le mot famille était exclusivement réservé à un lien juridique par le sang ou l’adoption. Mais les spatiaux dépoussièrent cette notion en l’élargissant à l’ensemble d’un groupe, non seulement régi par des règles sociales communes, mais également par une quasi obligation de « vivre ensemble », comme il existe au sein d’une famille au sens traditionnel du terme; obligation forgée par la bulle temporelle qui à la fois les isole et à la fois les unit. 

— A la différence que l’isolement temporel a remplacé l’isolement géographique, les Familles de spatiaux ne sont-elles pas la traduction moderne des tribus des anciens temps ?

— Vous avez raison, mais il ya une différence. La notion de tribu renvoie à une certaine indépendance politique que ne revendiquent pas les Familles, puisqu’elles entendent malgré leur isolement, demeurer dans le giron du Conseil de l’Union. Je vois au contraire dans cette notion de Famille la volonté d’afficher une communion très forte de ses membres, sans s’isoler de la communauté humaine. 

— Pardon, mais alors pourquoi craindre un recul ? 

— Plus que l’isolement au sein d’une Famille, après tout il est possible de trouver des vertus de solidarité, de fraternité à cette notion, je crains sur le long terme que les décalages générationnels, culturels et scientifiques qui vont se creuser selon un rapport temporel de cinq, dix ou vingt, aucun savant ne parvient à s’accorder sur le chiffre, ne finissent par créer un gouffre infranchissable entre eux et nous…