"La lumière déchirée" - extrait

Publié le 23 août 2022 à 14:31

Nouvel extrait du roman de Science-Fiction "La lumière déchirée"

Epigraphe précédant le chapitre V 

15 mars 3025 - Université des sciences humaines d’Oslo

Entretien avec le Professeur Wajid Bahar,

sociologue, spécialiste des comportements

et traumatismes liés aux décalages temporels. 

 

— Professeur, votre dernier ouvrage commence par un constat : Nos sociétés connaissent depuis l’avènement du voyage spatial hyperluminique, des bouleversements sans précédent. Mais là où beaucoup voient un immense progrès de l’humanité, vous semblez craindre au contraire un recul…

— Oui et c’est bien là tout le paradoxe. Jamais les humains n’ont voyagé aussi rapidement, mais jamais autant de groupes ne se sont sentis isolés les uns des autres. A commencer par ces micro-sociétés qui se sont regroupées, ou devrais-je dire, agglomérées, autour d’une flotte spatiale. Ce qui était à l’origine une simple entreprise privée, voire dans certains cas une force armée planétaire, s’est transformée par le besoin inhérent à notre statut d’espèce sociale, je dirais même grégaire, en quelque chose de bien différent. 

— Vous faites allusion au terme de « Famille » qu’utilisent certains de ces regroupements de navigants et de vaisseaux ?

— Oui absolument. Et l’usage de ce terme est extrêmement révélateur du trouble qu’engendre leur solitude, elle-même née de leur isolement temporel. On a trop longtemps considéré que le mot famille était exclusivement réservé à un lien juridique par le sang ou l’adoption. Mais les spatiaux dépoussièrent cette notion en l’élargissant à l’ensemble d’un groupe, non seulement régi par des règles sociales communes, mais également par une quasi obligation de « vivre ensemble », comme il existe au sein d’une famille au sens traditionnel du terme; obligation forgée par la bulle temporelle qui à la fois les isole et à la fois les unit. 

— A la différence que l’isolement temporel a remplacé l’isolement géographique, les Familles de spatiaux ne sont-elles pas la traduction moderne des tribus des anciens temps ?

— Vous avez raison, mais il ya une différence. La notion de tribu renvoie à une certaine indépendance politique que ne revendiquent pas les Familles, puisqu’elles entendent malgré leur isolement, demeurer dans le giron du Conseil de l’Union. Je vois au contraire dans cette notion de Famille la volonté d’afficher une communion très forte de ses membres, sans s’isoler de la communauté humaine. 

— Pardon, mais alors pourquoi craindre un recul ? 

— Plus que l’isolement au sein d’une Famille, après tout il est possible de trouver des vertus de solidarité, de fraternité à cette notion, je crains sur le long terme que les décalages générationnels, culturels et scientifiques qui vont se creuser selon un rapport temporel de cinq, dix ou vingt, aucun savant ne parvient à s’accorder sur le chiffre, ne finissent par créer un gouffre infranchissable entre eux et nous…

Illustration extrait du roman de Science Fiction - space opéra - La lumière déchirée -  auteur Christian Gastou

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